Vivre heureux, voilà ce que veulent tous les hommes : quant à bien voir ce qui fait le bonheur, quel nuage sur leurs yeux !
Et il est si difficile d’atteindre à la vie heureuse, qu’une fois la route perdue, on s’éloigne d’autant plus du but qu’on le poursuit plus vivement ; toute marche en sens contraire ne fait par sa rapidité même qu’accroître l’éloignement.
Il faut donc, avant tout, déterminer où nous devons tendre, puis bien examiner quelle voie peut y conduire avec le plus de célérité.
Nous sentirons, sur la route même, pourvu que ce soit la bonne, combien chaque jour nous aurons gagné et de combien nous approcherons de ce but vers lequel nous pousse un désir naturel.
Mais tant qu’on marche à l’aventure, sans suivre de guide que les vagues rumeurs et les clameurs contradictoires qui nous appellent sûr mille points opposés, la vie se consume en vains écarts, cette vie déjà si courte, quand on donnerait les jours et les nuits à l’étude de la sagesse.
Déterminons donc bien où et par où nous devons aller…
Sénèque, La vie heureuse (I)
Photo: Le philosophe stoïcien Sénèque avec Néron (sculpture par Eduardo Barrón (1904), Musée du Prado, Madrid).
Être stoïque signifie la capacité à rester impassible, montrant seulement une fermeté inébranlable face aux aléas du sort associée a une volonté de maîtriser ses émotions.